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Aïcha et la chanson de l'eau Imprimer Envoyer

L'eau coulait doucement du robinet dans l'évier, susurrant inlassablement sa chanson mélancolique, murmurant l'éternité.

Un chant rauque monta de la cour. Une cour qui ressemblait à un puits. Un ciel plombé pesait comme un couvercle sur les toits des maisons aux tuiles sombres. Une petite pluie fine tissait sa gaze impalpable et étouffait les bruits d'alentour. Il faisait gris.

Cette petite pluie fine, fine, tombait depuis le matin sans discontinuer. Les trottoirs le macadam luisaient. Les murs encrassés des immeubles dégageaient l'eau et sur le mouillé des façades imprégnées des fumées d'usines apparaissaient des zones d'humidité. On  aurait dit des taches de lèpre.

 Il faisait gris. Il faisait -noir. Symphonie en demi-ton de cette agglomération industrielle de Roubaix-Tourcoing, dans le nord de la France, une région mal-aimée, plus vouée au travail forcené qu’aux loisirs de plein-air. Hormis le carnaval et les fêtes de la bière.

Aïcha ferma les yeux. Le noir et le gris ravageaient ses yeux habitués à la lumière translucide de son Atlas natal, dans le Sud Marocain. Elle pensa à Ahmed son mari qui travaillait au peignage de « la Lainière Amédée Prouvost ». Les jours où il revenait de l'usine, il était sale, il était noir, les cheveux crêpés de flocons laineux.

Le jour où il ne travaillait pas, il était propre, c'est à dire gris.

Aïcha était-elle heureuse avec Ahmed ben Djillali ?

 
Le vieux buffet picard Imprimer Envoyer

Elle n'était plus très loin la nuit de Noël. Elle approchait même à grands pas, poussée, aurait-on dit, par le vent du large, le vent de la Manche qui s'engouffrait dans la baie de Somme en longs mugissements.

Dans les rues du Crotoy, petit port de pêche et station balnéaire,  les passants se heurtaient aux sapins, au scintillement des vitrines, aux affiches et aux réclames sur lesquelles « NOEL-NOEL » s'inscrivait en lettres d'or.

 Oui, en ce soir du 24 décembre, tout criait NOEL.

Sauf dans la petite maison basse de la rue Florent-Triquet où ce mot ne semblait produire aucun écho. Dans la grande pièce, un peu nue, qui donnait directement sur la rue, on n'entendait que le sifflement du vent, un cliquetis d'aiguilles et le murmure d'eau en mouvement. Tout à l'heure, la mer serait pleine…

Soudain une voix de vieillard s'enroua. Sa toux s'acheva dans une sorte de râle.

-- Albert ? As-tu froid ? demanda la petite vieille qui tricotait sous la lampe, cassée en deux sur son ouvrage.

 
Leur jeunesse est sans pitié Imprimer Envoyer

Un rire, énorme, homérique, secouait l’amphithéâtre. Il jaillissait d'une vingtaine de poitrines,  fusant avec la violence d'une gaieté trop longtemps contenue, passant du gloussement exaspérant des filles à la cascade cristalline, reprenant, avec des voix mâles, chaque fois avec une violence accrue,

--o--

La salle du cours « Histoire et Géo » de la Faculté des Lettres de Lille retentissait de cette tempête de rires qui, s'épanouissant com­me une gerbe de fusées multicolores.  remplissait l'immense bâtiment sévère de leurs échos. Le chahut organisé commençait.

 Les pieds frappaient le sol en cadence, avec frénésie. Clameurs et moqueries fusaient,  Les règles claquaient sur les tables Tout ce qui pouvait servir à produire un bruit quelconque était mis en œuvre, avec une science et un art consommé. C'est ce qu'on pouvait appeler un chahut bien monté.

Le charivari, monstre, presque inhumain s'enflait, prenait de l’ampleur, éclatait et tel un ras de marée, aveugle, désordonné, envahis­sait les moindres recoins de la Faculté, balayant l'onde tranquille du silence sur son passage.

 
Au royaume d'Hades Imprimer Envoyer

Les gens de là-bas l’appelaient Jane la folle. C’était une très belle fille, dans la fleur de l’âge. Mais pourquoi la folle ?

-- Une drôle d’histoire, m’expliqua quelqu’un. La folle, dit-on, parce qu’elle a eu une aventure avec les morts ?

-- Avec les morts ?

-- Parfaitement. Avec les morts du cimetière communal. Auparavant, elle était normale, comme vous et moi, un vrai bouquet de fraîcheur. Elle était la reine du pays. A présent, elle n’a plus toute sa tête. Dommage, une si belle fille.

Je me fis expliquer l’histoire :

Cela s’était passé voici trois ans. La fête du village battait son plein. Toute la jeunesse se donnait rendez vous pour le bal populaire. Dans le Mélantois on n’a pas si souvent l’occasion de se distraire.

La belle Jane n’était pas la dernière à se lancer dans le tourbillon de la danse. Riant aux éclats à tout propos, fraîche comme une rose de mai, elle se laissait courtiser par les garçons qui tournaient autour d’elle comme des guêpes autour d’un pot de miel.

 
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